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68eme jour Chios - Lipsi

Massacres de Chios

Les Turcs ont passé là. Tout est ruine et deuil.

Chio, l'île des vins, n'est plus qu'un sombre écueil,

Chio, qu'ombrageaient les charmilles,

Chio, qui dans les flots reflétait ses grands bois,

Ses coteaux, ses palais, et le soir quelquefois

Un choeur dansant de jeunes filles.

Tout est désert. Mais non ; seul près des murs noircis,

Un enfant aux yeux bleus, un enfant grec, assis,

Courbait sa tête humiliée ;

Il avait pour asile, il avait pour appui

Une blanche aubépine, une fleur, comme lui

Dans le grand ravage oubliée.

Ah ! pauvre enfant, pieds nus sur les rocs anguleux !

Hélas ! pour essuyer les pleurs de tes yeux bleus

Comme le ciel et comme l'onde,

Pour que dans leur azur, de larmes orageux,

Passe le vif éclair de la joie et des jeux,

Pour relever ta tète blonde,

Que veux-tu ? Bel enfant, que te faut-il donner

Pour rattacher gaîment et gaîment ramener

En boucles sur ta blanche épaule

Ces cheveux, qui du fer n'ont pas subi l'affront,

Et qui pleurent épars autour de ton beau front,

Comme les feuilles sur le saule ?

Qui pourrait dissiper tes chagrins nébuleux ?

Est-ce d'avoir ce lys, bleu comme tes yeux bleus,

Qui d'Iran borde le puits sombre ?

Ou le fruit du tuba, de cet arbre si grand,

Qu'un cheval au galop met, toujours en courant,

Cent ans à sortir de son ombre ?

Veux-tu, pour me sourire, un bel oiseau des bois,

Qui chante avec un chant plus doux que le hautbois,

Plus éclatant que les cymbales ?

Que veux-tu ? fleur, beau fruit, ou l'oiseau merveilleux ?

- Ami, dit l'enfant grec, dit l'enfant aux yeux bleus,

Je veux de la poudre et des balles.

Victor Hugo, Les Orientales, 1829

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Après une nuit agitée, l'équipage va enfin pouvoir profiter du déchainement d'Eol pour cingler toutes voiles dehors toujours plein Sud! Fopadech' se cabre et fend la mer Egée pour propulser son équipage jusqu'à Samos, avec des pointes à plus de 10 noeuds, profitant d'une généreuse houle par l'arrière.

Arrivé dans un petit port perdu du Sud-Ouest de Samos, les marins éreintés se réfugient au café. Entourés de visages burinés par le Meltem, nous jouons aux dames entre deux tartines de Tzatziki.

Le lendemain, courte navigation (une fois n'est pas coutume) jusqu'à Patmos, l'escale tant espérée pour Christian. En effet, cette île est connue depuis 95 ap. JC pour avoir abrité St Jean l’évangéliste, apôtre bien aimé du Christ lui-même! Le succès de son évangélisation auprès des 7 églises d'Asie (ouest de l'Anatolie plus précisément) lui avait mérité l'exile sur cette île. Et c'est ici qu'il eu la révélation de l'Apocalypse, célèbre texte des Évangiles décrivant notamment le jugement dernier et la fin des temps. Pendant le calme de la traversé vers cette petite ile perdue du Dodécanèse, nous avons donc relu ces évangiles pour nous imprégner de l'ambiance mystique régnant dans cette petite grotte mystique que nous nous apprêtions à visiter.

Mais cette grotte ne fut pas la seule merveille de l’exploration!

Les dédales de ruelles blanchies à la chaux, les moulins à vent, la géographie de l'île et surtout le coucher de soleil perchés sur les toits du monastères St Jean le Theologien resteront des souvenirs gravés indélébilement dans nos mémoires.

Après avoir musarder autant que possible sur cette île attachante, tel le vagabond Ulysse nous nous arrachons à cette énième escale pour continuer notre Odyssée vers Lipsi. Une île minuscule (10km2) quasiment déserte en cette saison. Mais la qualité de l’accueil se révèle inversement proportionnelle à la quantité d'âme peuplant ce charmant caillou.

En effet, la calme taverne, sur la place de l’église, nous tend chaises et, seuls Clients hôtes, nous finissons par diner avec le patron et ses amis, autour d'un même plat de spaghettis! Et c'est l'occasion rêvé d'en apprendre plus sur la vie d'une île si intrigante par sa taille!


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